Cet article ouvre une série d’interviews de photographes, qui vont vous partager leurs histoires, techniques, astuces…
Bérangère Yar a été la première photographe que j’ai voulu interviewer. Cela fait quelque temps que je la suis sur les réseaux et lorsque je lui ai téléphoné ( pour un stage, la première fois) j’ai apprécié son éthique et sa sensibilité. Puis lorsque je lui ai proposé cette interview, elle m’a tout de suite dit oui, et même proposé d’écrire quelques articles… son envie de transmettre sa passion se ressent.
Alors je vous laisse profiter de cette magnifique interview de photographe : voici Bérangère Yar.
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Bérengère Yar et j’ai 52 ans. Grâce à mon métier en tant que photographe professionnelle et accompagnatrice de voyages photos, j’ai la chance de pouvoir être sur le terrain assez souvent. En plus de la photographie, une de mes autres passions est celle de voyager ; j’ai donc la chance de pouvoir combiner deux de mes passions. Je suis passionnée par la nature, la vie sauvage, les jeux de lumière, les ambiances magiques de l’aube et du crépuscule, les grands espaces sauvages… J’adore être au grand air à explorer un slot canyon, à parcourir des immensités désertiques, à croiser le chemin et le regard d’animaux sauvages tels que lynx, grizzlis ou loups…
Quand, comment et pourquoi as-tu débuté la photo animalière ?
Originaire du sud de la France, j’ai passé mon enfance et mon adolescence en Afrique du Nord et j’y ai appris à regarder et à aimer la nature : les grands espaces, les magnifiques paysages, la découverte d’autres cultures… De cet amour est née l’envie de vouloir immortaliser certains moments sur une pellicule grâce à un cadeau de mon parrain : un réflex argentique Minolta à l’âge de 12 ans… C’était le début d’une passion qui se poursuit encore aujourd’hui. Mon père faisait également un peu de photo et m’a ensuite donné son boîtier Nikon et j’ai par la suite acquis mes propres boîtiers et objectifs. J’ai suivi quelques formations théoriques et lu des ouvrages spécialisés sur les filtres, la lumière et la composition, tout en faisant partie d’un club photo. Ayant beaucoup d’autres intérêts et passions, j’ai également étudié la culture et l’histoire américaines (diplôme d’études supérieures) et la préhistoire (doctorat).
Tout en travaillant comme photographe à temps partiel et en exerçant d’autres emplois (enseignant, conseiller en formation, responsable des ressources humaines), je rêvais de grands espaces sauvages, et de l’Amérique du Nord en particulier, si bien que j’ai décidé de partir et de m’installer au Canada. Une fois sur place, j’ai créé ma propre entreprise et je me suis spécialisée dans les stages et circuits photos, notamment en Amérique du Nord, en travaillant avec différentes agences de voyage. Revenue en France depuis 2014, j’organise toujours des stages et je travaille en partenariat avec l’agence de voyage Let’s Go Travel pour des circuits photos sur mesure où je fais partager ma passion pour la nature.
Mes thèmes favoris sont les paysages et la faune qu’on peut y rencontrer. Cette récurrence correspond avant tout à mes goûts personnels. Je suis attirée par des jeux de lumière, notamment les subtiles lumières évanescentes de l’aube et du crépuscule… le paysage et/ou la faune sont en fait des éléments de composition pour ce type d’images.
Ma formation en photographie, histoire de l’art et archéologie, associée à de solides compétences pédagogiques et andragogiques, ainsi qu’une longue pratique de la gestion de groupes, me permettent de proposer des circuits et ateliers authentiques à tous ceux qui cherchent à voyager hors des sentiers battus. Mes stages sont axés sur la photographie (6 heures minimum par jour) dans une atmosphère détendue, avec de petits groupes (4 personnes maximum).
Avec moi, les gens découvrent des endroits particuliers que je connais bien et que j’ai souvent photographiés. Je les aide à développer leur propre vision, plutôt que de copier mes compositions. Grâce à ma formation photographique, je peux les conseiller pour les photos de paysages, bien sûr, mais aussi pour la photo animalière, la macro, l’architecture et les portraits. Mes stagiaires ramènent de superbes clichés et augmentent leurs compétences en photographie. Ils développent leur capacité à “voir”, à composer et à visualiser.
Ma règle d’or est que chaque voyage photo doit être une expérience amusante et enrichissante, tant pour les participants que pour l’animateur du stage. Je vois le monde comme autant de possibilités infinies de compositions créatives. Avec mes stagiaires, j’explore la beauté et la diversité des paysages de notre planète et nous partageons les émotions liées à la découverte de lieux extraordinaires.
Quels sont tes objectifs ? un message que tu veux transmettre ?
Mon site Internet (http://www.amazingearthphotography.com) rassemble un échantillon de mes photos. C’est une fenêtre ouverte sur la Nature pour illustrer toute la beauté et la fragilité de notre planète. Si, par le biais de mes images, je contribue un petit peu à sensibiliser le public à l’environnement, au respect et à la protection de la Nature, alors, mon but principal est atteint.
Ce site me permet également de présenter mon travail photographique, ainsi que les différents services que j’offre (circuits photos, cours, tirages d’art…). En effet, je travaille, comme je l’ai déjà dit, en partenariat avec Let’s Go Travel, agence spécialisée dans les voyages photos. Dans ces voyages, j’espère sensibiliser les clients à ma manière de voir et à mon éthique.
Plus personnellement, depuis l’enfance, je suis fascinée et attirée par les grands espaces et notamment par l’ouest américain. Lors de mes différentes randonnées dans cette région, j’ai été marquée, troublée et séduite par plusieurs endroits. S’il fallait les lister, les slot canyons figureraient sans aucun doute au sommet de la liste. Explorer ces canyons est une expérience inoubliable, spirituelle voire mystique… La majorité de ces canyons se trouvent sur territoire Navajo (ou Dineh). Ce sont pour eux des lieux sacrés utilisés encore pour différentes cérémonies rituelles et religieuses. Ils comparent d’ailleurs les slot canyons à des cathédrales. Leur démarche spirituelle est fondée sur le culte de la nature et de l’harmonie (« hozho ») qu’elle recèle. L’état d’hozho est lié à la santé, la beauté, l’ordre et l’harmonie. Quand on visite ces endroits, on ressent cet hohzo, cette harmonie, cette beauté, cette paix intérieure qui nous envahit. L’âme est mise à nu, tout comme la roche. On y retrouve le lien originel avec les rochers, la terre, l’eau, le ciel… Et puis, on revient sur terre… on reprend contact avec la réalité.
Parcourir des immensités désertiques et réaliser la fragilité de notre écosystème, croiser le chemin et le regard d’animaux sauvages tels que grizzlis ou loups et les remercier pour ces rencontres, sentir le temps s’écouler au rythme des saisons, sourire et se réjouir des couleurs pastel de l’aube tout en prenant le temps de composer son image… autant de moments particuliers, des moments intenses et éphémères, des moments magiques. Tenter de transmettre et d’illustrer cette magie et la beauté des lieux constitue en quelque sorte une mission personnelle.
J’essaie également par le biais de conférences et d’expositions de sensibiliser le public à l’environnement, au respect et à la protection de la faune et de la flore. Plus que jamais, la nature et la biodiversité sont en danger.
Quel est ton matériel ? qu’est-ce-que tu conseilles à un photographe qui débute l’animalier ?
Le matériel aide bien évidemment mais ce n’est pas le plus important à celui ou celle qui veut se lancer dans l’animalier. Commencez d’abord par connaître le terrain et l’espèce que vous souhaitez photographier. Exercez-vous dans votre jardin, puis dans des réserves ou des parcs animaliers ; cela vous évitera bien des erreurs et de déranger des animaux sauvages.
Ensuite, concernant le matériel, tout dépend du budget dont vous disposez.
- Budget « limité : un boîtier APS-C de milieu de gamme, un 70-300 mm et un macro.
- Budget « élevé : un boîtier plein format ou un hybride, au minimum un 300 mm.
- Il vous faudra aussi un trépied (alu ou carbone), un rotule-ball ou une pendulaire, une tenue de camouflage, des filets de camouflage, une tente affût, une paire de jumelles, un ordinateur assez puissant, ainsi qu’un logiciel permettant de gérer et de développer vos photos.
Personnellement, j’ai des boîtiers plein format (Nikon D5, D850) et un boitier APS-C (Nikon D500), un 300 mm, un 500 mm, un 150-600 mm, un 70-200 mm, un 24-70 mm, un 14-24 mm, un 105 macro.
As-tu une idée du temps passé sur le terrain ?
Aucune idée précise, beaucoup… On peut très bien trouver près de chez soi des paysages magnifiques et des espèces animales fascinantes. Nul besoin pour cela de partir à l’autre bout de la planète. Un sous-bois avec une ambiance brumeuse, une rivière avec des couleurs d’automne, un ciel embrasé au-dessus de la campagne, un cerf dans une clairière, un chat forestier en train de muloter… il suffit d’ouvrir les yeux et d’apprendre à regarder. Il faut également disposer d’un minimum de temps libre pour bien connaître les espèces que l’on souhaite photographier, pour repérer leurs traces dans un secteur donné, pour explorer … il faut être patient et humble…
Quelles sont les difficultés qu’on peut rencontrer ?
La météo, le manque de préparation en amont (connaissance du sujet, repérage des traces et des lieux de passage, ainsi que des meilleurs endroits pour installer un affût), le dérangement volontaire ou involontaire par d’autres personnes (promeneurs, chasseurs, etc), le manque d’argent (étudier les espèces et les milieux représente un budget)…
Que penses-tu de l’éthique et quelle est ton éthique ?
La photographie animalière est soit un loisir, soit un métier pour une minorité. C’est devenu « très à la mode » mais derrière la passion, l’émotion et la joie d’être dans la nature se cachent malheureusement parfois des abus, la volonté de ramener le « cliché du siècle » le plus rapidement et le plus facilement possible et ce, au détriment de l’espèce qu’on souhaite photographier. Tout le monde veut sa photo de panthère des neiges, de loup côtier, d’ours kermode, d’aigle de Bonelli et peu importe les conditions de prise de vue…. On veut gagner un concours, exposer dans de prestigieux festivals et acquérir « LA » reconnaissance.
On commence donc par déplacer des insectes, couper des herbes ou des fleurs ; on les vaporise d’eau pour imiter la rosée du matin… D’autres vont plus loin et mettent différents insectes et amphibiens au réfrigérateur et ensuite on les attache avec de petits fils qui seront ensuite enlevés grâce à Photoshop, ils peuvent même les coller afin de leur faire des poses plus ou moins extravagantes. On s’approche trop des nids et les parents fuient, abandonnant les oisillons et les condamnant donc à mort. On attire les différents rapaces en leur jetant des souris ou en leur mettant un pigeon vivant attaché par une patte. On veut photographier le martin-pêcheur en train de pêcher et pour cela, on installe un aquarium et des poissons dont on a préalablement coupé la queue… sauf que le martin-pêcheur se tue parfois sur le fond de l’aquarium… On attire ours et loups avec des carcasses, des déchets de saumon, des croquettes… On veut photographier un chat de Pallas ou une panthère des neiges en Mongolie et donc on contacte un guide local qui capturent les animaux, les engraissent, les droguent puis les relâchent devant les photographes…
Je ne suis pas parfaite : dans le cadre de mon travail en tant qu’accompagnatrice, je fréquente parfois des affûts payants où les animaux sont appâtés (notamment en Finlande et en Slovénie) mais je m’assure que ce ne sont pas des animaux vivants qui servent d’appât. Je refuse également qu’un animal soit capturé, maltraité ou drogué pour faire une photo. Il y a de plus en plus de massacres illégaux (braconnage et autres), de perte d’habitat, de pollution (eau, air, sol) et d’autres formes de conflit entre les animaux et les humains…
Tous les ans, plus de 26000 espèces animales et végétales disparaissent à jamais. J’ai le sentiment que notre temps est compté. Nous sommes en train d’épuiser complètement les ressources de notre planète et de causer des dommages irréversibles. Les efforts de conservation de la nature sont bien sûr louables mais je ne suis pas sûr qu’ils soient toujours adéquats. La déforestation et la surpopulation sont des problèmes qui touchent presque toutes les régions du monde. Cependant, la politique environnementale n’est pas toujours appliquée de manière adéquate. Souvent, les contrevenants ne sont pas identifiés et les sanctions sont rarement utilisées pour décourager les infractions environnementales. Malgré les efforts de l’administration de l’État ou du pays, les problèmes subsistent souvent par manque de ressources ou de volonté politique.
Avant de liker une photo sur les réseaux sociaux, posez-vous toujours la question : « comment est-il possible d’obtenir pareil cliché ? »
Quelle est ton approche lors d’une sortie photo ?
Que ce soit pour l’animalier ou pour le paysage, il faut trouver le meilleur endroit d’où photographier l’animal ou la scène grâce à une phase d’exploration plus ou moins longue pour envisager tous les points de vue possibles.
Pour les paysages, j’arrive toujours au moins une heure plus tôt à l’endroit que je veux photographier, après avoir visité l’endroit la veille. Cela me donne le temps de me familiariser avec le site s’il s’agit d’un nouvel endroit et même lorsque c’est un endroit que je connais bien. J’attends toujours un peu avant de commencer à photographier afin de pouvoir ressentir l’atmosphère du lieu. Ensuite, je me déplace beaucoup. Dans mon esprit, j’ai une idée (ou plusieurs) de l’image finale que je veux. Un faible déplacement du point de vue peut entraîner de fortes variations des relations visuelles entre les différents plans, particulièrement avec les courtes focales. Il ne faut donc pas hésiter à se déplacer et à multiplier les angles de prises de vue.
Prendre le temps de se familiariser avec son sujet, de bien l’étudier, de réfléchir à ce qu’il évoque pour soi permet au photographe de déterminer son point d’intérêt, de choisir son point de vue, en d’autres termes de choisir son répertoire photographique et de pré-visualiser son image. Les autres décisions (focale, composition, ouverture, exposition, etc) viennent ensuite. Il faut se laisser guider par sa propre sensibilité et ne jamais se décourager si l’on n’obtient pas le cliché que l’on souhaite du premier coup. Une fois que j’ai trouvé ma composition et mon cadrage, j’installe mon trépied et commence à shooter, multipliant les prises de vue en format horizontal et vertical. Même à l’heure du numérique, les filtres sont encore très utiles pour la photographie de paysage et j’utilise très souvent filtres polarisant, gris neutres et dégradés gris neutres.
Par exemple, j’ai la chance de voir de nombreux levers et couchers de soleil et j’aime beaucoup cela. Au cœur des dunes notamment, le sentiment de solitude est intense… une brise légère caresse mon visage. L’air chaud et sec du désert porte en lui l’odeur caractéristique de la silice et du sable. Le silence est presque total, à l’exception du hurlement lointain d’un coyote saluant les premiers rayons de l’aube. Progressivement, le ciel s’illumine de couleurs pastel, de l’indigo au bleu azur en passant par le violet. Un halo de lumière jaune-orange apparaît à l’horizon, découpant les montagnes Amargosa sur le ciel. Soudain, les premiers rayons du soleil caressent les dunes littéralement embrasées par la lumière chaude. Les jeux d’ombre et de lumière transfigurent le paysage. Le silence du désert n’est rompu que par le déclenchement de l’appareil photo. Le soleil vient de se lever sur les “Mesquite Sand Dunes”, au cœur du parc national de la Vallée de la Mort, en Californie.
Pour l’animalier,
il est essentiel d’arriver sur les lieux le plus discrètement possible et bien avant les heures où les animaux vont se déplacer : pour un affût le matin, avant le lever du jour et pour un affût en fin de journée, au moins 3 à 4h avant le coucher du soleil…il est indispensable d’être le plus invisible possible (tenue de camouflage, filets ou encore tente affût). Une fois installé, il faut savoir rester parfaitement immobile et silencieux…
Peux-tu nous raconter la rencontre animalière qui t’a le plus marquée ?
Mon plus beau souvenir photographique… difficile d’en choisir un car il en existe beaucoup, que ce soit avec les paysages ou en animalier. Chaque rencontre avec un animal libre, sauvage, non appâté, est pour moi un intense moment de bonheur. La nature m’apaise, me libère de mes peurs et de mes craintes. Voici 5 ans, j’étais en montagne et j’ai croisé le regard d’un loup. Autant j’ai déjà eu maintes fois la chance d’en rencontrer dans le reste de l’Europe et en Amérique du Nord, autant c’était la première fois que cela arrivait en France. J’étais tellement émue que j’en ai oublié de déclencher. L’image reste néanmoins gravée dans ma rétine. Je ne recherche pas la photo à tout prix. Pour moi, la priorité reste d’observer la faune sauvage sans la déranger.
Quelles espèces rêves-tu de photographier ?
Il existe de nombreuses espèces que je n’ai pas encore la chance de photographier en liberté, dans leur milieu : les gorilles notamment et le tigre.
Y a-t-il des espèces que tu affectionnes particulièrement ? pourquoi ?
Les loups sont mon animal préféré. Je trouve que c’est une espèce fascinante. Ils ont beaucoup d’expressions faciales distinctives qu’ils utilisent pour communiquer et maintenir l’unité de la meute. Un mâle et une femelle qui s’accouplent restent généralement ensemble pour la vie. Ils sont des parents dévoués et maintiennent des liens familiaux sophistiqués. Ils hurlent lorsqu’ils contactent des membres séparés de leur groupe pour rallier le groupe avant de chasser ou pour avertir les meutes rivales de se tenir à l’écart. Les loups solitaires hurlent également pour attirer des compagnons ou simplement parce qu’ils sont seuls. Un seul hurlement dure généralement cinq secondes, mais les hurlements peuvent sembler beaucoup plus longs lorsque toute la meute s’y joint et c’est merveilleux de les entendre…
Ils possèdent environ 200 millions de cellules odorantes, alors que les humains n’en ont que 5 millions. Ils peuvent sentir d’autres animaux à une distance de plus d’un kilomètre (1,6 mile). Dans certaines conditions, ils peuvent entendre jusqu’à six miles dans la forêt et dix miles dans la toundra ouverte.
Malheureusement, ils ont été chassés jusqu’à l’extinction dans de nombreux pays et beaucoup de gens ont encore peur des loups. En France, ils font toujours l’objet d’une véritable chasse aux sorcières et je trouve cela désolant et révoltant. J’espère que les gens changeront leur opinion négative sur les loups afin qu’ils puissent se déplacer librement dans le monde entier.
Quels sont les photographes qui t’inspirent ? pourquoi ?
J’admire les clichés de plusieurs photographes. En animalier, j’adore tout particulièrement le travail de Vincent Munier, ainsi que sa personnalité et sa modestie. Coté paysages, j’apprécie tout particulièrement le travail de Galen Rowell et je regrette de ne pas avoir pu le rencontrer. Je ne pense pas être influencée par leur travail ; je ne cherche pas d’ailleurs à l’être mais j’apprécie leur univers photographique. De manière générale, j’apprécie le travail des photographes qui allient patience, honnêteté, capacité à se remettre en question et sans un ego sur-développé…
Y a-t-il d’autres domaines de la photo qui t’intéressent ?
Je suis une vraie passionnée. Mon sac photo me suit partout car je trouve que tous les sujets se prêtent à la photographie, même si j’ai des préférences.
Comme j’ai déjà dit plus haut dans cet article, mes thèmes favoris en photographie sont les paysages et l’animalier. J’ai la chance de voyager beaucoup, mais parmi tous les endroits que j’ai visités, l’Ouest américain est sans aucun doute mon endroit préféré pour la photographie de paysage. J’adore les canyons à fentes. Vu de la surface, un slot apparaît comme une fissure sombre sans intérêt particulier. Mais de l’intérieur, les choses sont différentes : pas d’obscurité mais une palette de couleurs, grâce à la lumière du soleil qui filtre depuis le haut, avec des vagues, des boucles, des arcs et des tourbillons créés par le vent et l’eau… un paradis pour les photographes ! J’aime aussi la spectaculaire formation rocheuse connue sous le nom de The Wave, une incroyable formation de grès dans la zone nord de Coyote Buttes.
J’aime aussi beaucoup le parc d’État de Goblin Valley dans l’Utah. Il regorge de milliers de pinacles fantastiques et uniques en forme de champignons de quelques mètres de haut que quelqu’un a manifestement pensé ressembler à des gobelins. De gros blocs de roche dure de couleur orange-brun se trouvent au sommet de couches sablonneuses plus faibles qui se sont érodées plus rapidement. Le parc est un paradis pour les photographes. Les formations sont particulièrement saisissantes au crépuscule ou à l’aube.
Avec la macrophotographie, je m’intéresse aux scènes inhabituelles ou à l’accent mis sur les détails, les motifs, les textures… J’aime jouer avec une faible profondeur de champ ainsi qu’avec des angles, des éclairages et des couleurs inattendus.Les insectes et les animaux minuscules sont pour moi l’une des expériences les plus fascinantes et les plus excitantes qu’un photographe puisse vivre grâce à leurs couleurs, leur structure, leur comportement et leur interaction avec le monde vivant. Lorsque je les photographie, je m’assure toujours qu’ils sont vivants (à moins qu’ils ne soient dévorés par une autre créature), absolument libres et indemnes et dans leur environnement naturel.
Dans le cadre de mon activité, je suis également amenée à photographier une multitude d’autres sujets, comme, par exemple, des mariages, des activités sportives, de l’architecture…. J’aime capturer la complicité qui se dégage d’un couple, le sourire d’un enfant, les rais de lumière qui filtrent via les vitraux d’une cathédrale…
Retouches-tu tes photos ? quelle est ton approche du traitement photo ?
Personnellement, je retouche peu mes images, l’essentiel se fait lors de la prise de vue. Préférant passer du temps au grand air plutôt que devant un ordinateur, je me sers de Lightroom ou de Photoshop afin de les optimiser sans les dénaturer. Je retravaille parfois les tons, les lumières, les contrastes et les couleurs, soit d’une manière globale, soit de manière plus localisée au sein de l’image par le biais de calques.
Quelle est ta photo préférée ?
Je pense que la plus belle des images est celle que l’on va chercher, sans déranger les animaux, sans les perturber, sans rien provoquer, simplement en les observant.
Quels conseils donnerais-tu aux débutants ?
La photographie animalière est probablement le sujet le plus difficile.
Tout d’abord, il faut respecter le code d’éthique. Bien sûr, voir un loup sauvage, un ours ou un élan est un plaisir, mais observez toujours la faune en silence et à une distance respectable. Par principe, je n’interfère jamais avec la faune et la flore pour “mieux voir” ou “prendre la photo parfaite”. Nous ne sommes que des visiteurs traversant les vastes étendues sauvages et cela implique de respecter la faune et l’environnement.
Soyez patient. Vous passerez des heures à repérer les lieux, à vous y rendre et à attendre parfois sans obtenir la moindre photo.
Travaillez avec un guide expert qui pourra trouver les animaux pour vous.
Commencez avec un 70-300 ou un 150-600 et utilisez une vitesse d’obturation rapide.
Ne vous découragez pas.
Comment se déroulent tes stages ? Faut-il un niveau de base pour y participer ?
Etant donné que j’organise à la fois des stages et des voyages, je vais expliquer brièvement les deux. Pour les stages, je propose différentes thématiques : des réglages de base de son boîtier à la gestion de la lumière ou de l’exposition, à l’utilisation des filtres en passant par la photographie animalière, la macrophotographie et bien d’autres sujets. Cela peut être une formation privée ou en groupe (4 personnes maximum).
Les voyages font l’objet d’un 1er voyage en solo pour du repérage et pour organiser l’itinéraire dans le moindre détail afin d’être aux meilleurs endroits aux bons moments. J’amène des passionnés sur différents sites, soigneusement sélectionnés pour leurs attraits photographiques et je fournis également des conseils (choix des focales, de la vitesse et du diaphragme ; maîtrise de l’exposition, de la profondeur de champ et de la composition, photographie en basse lumière, utilisation de filtres tels que polarisant, dégradé neutre et gris neutre, etc.).
J’accueille des gens de tous niveaux de compétences photographiques (du débutant au confirmé) et de tous âges (le plus jeune avait 5 ans et la plus âgée 82). Ma règle d’or est que cela doit être une expérience enrichissante et agréable pour tous les participants tout en respectant la nature et la vie sauvage.
Quels sont tes prochains projets ?
Mes projets sont relativement nombreux :
* continuer à vivre de ma passion
* partager des moments et des endroits uniques avec d’autres passionnés
* explorer et photographier d’autres pays ou régions, notamment l’Ouganda, la Patagonie, l’Inde, le Costa Rica…
Le mot de la fin ?
J’ai trop vu de gens qui, à l’heure du grand départ, regrettaient une partie de leur vie et les décisions qu’ils avaient prises ou non. On ne vit qu’une fois et il faut essayer de vivre ses rêves, de les concrétiser au lieu de juste rêver. En ce qui me concerne, je me considère comme ultra chanceuse, privilégiée de faire ce que j’aime, d’être à mon compte, de décider de mon emploi comme bon me semble, de visiter des lieux magnifiques, de partager cette passion avec d’autres personnes. A mes yeux, c’est un véritable luxe. Cette citation de Mark Twain fait partie de mes préférées : “Dans vingt ans, vous serez plus déçu par les choses que vous n’aurez pas faites que par celles que vous aurez faites. Alors larguez les amarres, éloignez-vous du port sûr. Attrapez les vents alizés dans vos voiles. Explorez. Rêvez. Découvrez.” Je rajouterai également : soyez humbles et respectez tous les êtres vivants.
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Belle rencontre que celle de Bérangère ! Ses photos sont magnifiques. Et wouah, je ne pensais pas qu’il y avait autant d’horribles manières de “tricher” en photo animalière, c’est quand même fou dans une discipline en contact avec la nature…
Elle est passionnante ! Merci beaucoup Carole pour cette jolie découverte. Les lumières, les compositions, les couleurs, ces photos sont magnifiques.
J’avoue avoir été un peu retournée en découvrant comment l’être humain de peu de talent peut faire preuve d’une imagination sans borne pour tricher. Il y a quelques années j’avais découvert comment un photographe dont j’aimais beaucoup le travail, à l’époque, s’y prenait pour réaliser ses macros, … j’ai arrêté de le suivre.
oui c’est malheureusement encore une fois la recherche du profit de reconnaissance, la course aux likes. j’ai été dégoutée de voir certaines pratiques sur le terrain pour avoir “la photo” au mépris de l’animal.
Je suis heureux que tu puisses faire un job qui te plaît.
Côté faune sauvage je suis moi-même bien servi dans une province du Canada limitrophe de celle où j’habite et que tu connais bien.